
Pourquoi l'immobilier d'entreprise est concerné par la loi anti-blanchiment d'argent ?
Un peu d'histoire ...
Le terme « blanchiment d’argent » aurait pour origine la chaîne de blanchisserie utilisée par Al Capone : la "Sanitary Cleaning Shop" en 1928 qui lui servait de façade légale à ses activités illicites.
Au niveau mondial le blanchiment d’argent représenterait une somme entre 2 à 5 % du PIB mondial. La fraude fiscale est estimée également en Europe entre 2 et 2,5 % du PIB.
C’est ainsi que la première directive européenne sur le sujet a été transposée en France le 12 juillet 1990 pour lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB/FT). Par la suite, toute opération concourant à la fraude fiscale est entrée également dans le dispositif de vigilance et de déclaration de soupçon.
La 5ème directive européenne a été publiée sur le sujet (Directive 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018) et a été transposée dans le droit français en Février 2020. Elle prévoit notamment l'interconnexion des fichiers des bénéficiaires effectifs des différents pays membres de l'Union Européenne.
Pourquoi l’immobilier est-il concerné ?
C'est un des domaines privilégiés par les criminels pour transformer ou dissimuler des revenus illicites ou pratiquer la fraude fiscale. L’immobilier permet également de blanchir rapidement de grosses sommes d’argent. Les enjeux sont très importants car l’investissement immobilier représente 5 % du PIB en France. La part des capitaux immobiliers dans les fonds de pension est également très importante. Les formes actuelles de l’investissement immobilier peuvent également facilement cacher des opérations de blanchiment tel que la financiarisation ou le crownfounding (financement participatif en ligne).
Quelles sont les obligations des professionnels de l'immobilier ?
Tout professionnel qui apporte son concours ou facilite une opération relevant de ces infractions (blanchiment, Financement du terrorisme, fraude fiscale) s’expose à des sanctions pénales et administratives.
En vertu de l'article L561-1 du Code monétaire et financier, tous les professionnels qui réalisent, contrôlent ou conseillent des opérations entraînant des mouvements de capitaux, sont tenues de déclarer au Procureur de la République les opérations dont elles ont connaissance et qui portent sur des sommes qu'elles savent provenir de l'une des infractions d'une peine privative de liberté supérieure à un an ou sont liées au financement du terrorisme.
Certains professionnels ont des obligations supplémentaires : ce sont les intermédiaires de l'immobilier (conseil en immobilier d'entreprise, agent immobilier, syndic...), ainsi que les notaires, les avocats, banquiers, experts-comptables, commissaires aux comptes et depuis le 1er décembre 2016 les intermédiaires de crédit immobilier.
L'activité de vente et d'achat d'un bien immobilier est bien entendu concerné.
Chacun de ses professionnels doit remplir ses propres obligations sans avoir à s’occuper de ce que font ne font pas les autres. Ils ont d'ailleurs l'interdiction de communiquer entre eux concernant les soupçons de blanchiment qu'ils pourraient avoir concernant leur client ou une des parties en présence.
Quelles sont les obligations des intermédiaires de l'immobilier ?
Ils sont tenus à trois types d'obligation : obligation de vigilance, obligation de déclaration de soupçon et obligation de formation et de conservation des documents (pendant 5 ans).
En quoi consiste cette obligation de vigilance ? Depuis une ordonnance du 30 juin 2009, une nouvelle approche fondée sur le risque a été introduite. Elle consiste en une analyse systématique des risques de blanchiment engendrés pour chaque relation d’affaires et chaque opération. Les diligences mises en œuvre par le professionnel de l’immobilier doivent être modulées en fonction des risques qui ont été évalués en amont. Le principe est simple : le conseiller en immobilier doit évaluer le risque pour chaque client et pour chaque opération et en fonction du risque, ce dernier doit mettre en application des mesures de vigilance plus ou moins allégées selon le risque qui a été déterminé.
Il y a ainsi un double volet : volet préventif qui va constituer en l’évaluation des risques compte tenu de la qualité du client et des caractéristiques de l’opération en cours. Ces critères d’évaluation peuvent être basée sur la localisation du bien, la nature du produit, les caractéristiques de la clientèle, les modalités de financement, la nature plus ou moins complexe de l’opération. Puis vient un second volet opérationnel qui est la mise en place de mesures adaptées aux risques qui ont été déterminés dans la première phase.
Pour assurer l’efficacité de la démarche, l'intermédiaire sera amené à poser des questions à son client vendeur ou bailleur mais aussi aux futurs acquéreurs ou locataires. Il devra recueillir notamment des informations sur leur identité, sur l'origine des fonds ou leur patrimoine ainsi que sur leur activité, afin de déterminer la cohérence de l'opération.
C'est ainsi qu'il devra recueillir notamment la copie d’une pièce d’identité en cours de validité du représentant légal, celle de l'actionnaire principal, un justificatif de domicile, la copie des statuts à jour, des comptes certifiés du dernier exercice clos...
Ceci peut apparaître un peu "inquisiteur" mais il s'agit d'une obligation légale : l'intermédiaire doit en principe rompre sa relation commerciale s'il n'obtient pas un minimum de renseignements sur l'identité du client et les conditions de la transaction.
De plus, en cas de doute sur l’origine des fonds utilisés ou sur le caractère illicite de l’opération, il est tenu d'effectuer une déclaration de soupçon à TRACFIN.
Que risque le professionnel de l'immobilier en cas de méconnaissance de ses obligations ?
Les services de la DGCCRF (répression des fraudes) ont renforcé leur contrôle auprès des professionnels intermédiaires de l’immobilier (titulaires de la carte professionnelle T et S). Si une infraction est constatée, le dossier est transmis à la Commission Nationale des Sanctions (CNS).
En conclusion, le sujet de la lutte anti-blanchiment dans l'immobilier est à prendre très au sérieux et il faut que les parties (vendeur, acquéreur, locataire...) prennent conscience aujourd'hui qu'ils ont une obligation "de transparence" concernant leur identité et les conditions de l'opération (origine des fonds...) envers les intermédiaires qui apportent leur concours aux opérations immobilières (conseillers immobiliers, agents, notaires, avocats...).
Auteur : Rémy NERRIERE - juriste-formateur en immobilier, Membre du réseau de formateurs immo-formation.fr. Le sujet de cet article est développé au cours d'une formation intitulée : "L'agent immobilier et la lutte anti-blanchiment". Cet article a été mis à jour le 7 Août 2020.
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