Droit de préemption Pinel : attention, application possible aux bureaux !

Droit de préemption Pinel : attention, application possible aux bureaux !

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Une décision récente de la Cour d'Appel de Paris semble remettre en cause la pratique des notaires et des acteurs de l'immobilier d'entreprise concernant la cession d'un bien immobilier en présence d'un locataire.

Pour rappel, lorsque le propriétaire d'un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement. Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée. Elle vaut offre de vente au profit du locataire. Ce dernier dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer.

Ce droit de préemption appelé également "droit de préférence pinel" ne s'applique pas à la cession d'un portefeuille de biens commerciaux (cession unique de plusieurs locaux commerciaux) ou à la cession globale d'un immeuble comprenant des locaux commerciaux.

Dés l'entrée en vigueur du dispositif en novembre 2014, s'est posé la problématique des immeubles de bureaux. Nul doute que le statut des baux commerciaux s'applique à ces derniers, les bureaux étant soumis à un statut particulier (déplafonnement...) par rapport aux commerces.

Le droit de préemption vise le propriétaire d'un local à "usage commercial ou artisanal". Le CRIDON de Paris, qui conseille les notaires, a pu en déduire, après réflexion que les locaux loués à usage de bureaux n'étaient pas concernés par ce droit de préférence. La doctrine n'est néanmoins pas unanime.

Une réponse ministérielle récente indique que le droit de préférence ne s’applique pas aux immeubles de bureaux (RM n°21155 - 25 février 2021). Un amendement parlementaire souhaitant soumettre les locaux à usage de bureaux au droit de préemption avait d'ailleurs été rejeté lors de l'adoption de la loi Pinel, mais il s'agissait de viser les locataires titulaires de baux professionnels.

Deux arrêts de Cour d'Appel ne sont pas sur la même ligne que la pratique notariale en apportant une précision de taille : tout dépend si l'immeuble de bureaux est occupé par une société commerciale qui exerce une activité commerciale.

Selon un arrêt de la Cour d'appel de Pairs du 1er décembre 2021 (n°20/00194), des locaux à usage de bureaux, loués à une société commerciale y exerçant une activité commerciale, peuvent faire l'objet d'un droit de préemption par ce locataire.


En l'espèce, c'est un tiers acquéreur évincé par le locataire en place qui a fait assigner le propriétaire initial du local et la société locataire devant le juge aux fins d’obtenir la nullité des ventes successives et la régularisation de la vente du local commercial à son profit.

Dans un arrêt du 1er décembre 2021 (n° 20/00194), la cour d'appel de Paris rappelle que l’article L. 145-46-1 du code de commerce instaure un droit de préemption au profit du locataire "lorsque le propriétaire d’un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci", sauf exceptions tenant à l’objet de la vente ou l’identité de l’acquéreur.

Les locaux à usage de bureaux ne sont ni inclus expressément ni exclus expressément du champ d’application de ce texte.  Le litige concerne une société d’administrateur de biens, syndic de copropriété, location, transaction. Cette activité est une activité commerciale par application des dispositions de l’article L. 110-1 du code commerce. Il s’ensuit que les locaux loués à la société locataire sont affectés à un usage commercial.
Par conséquent, c’est à juste titre que le premier juge a retenu qu’elle bénéficiait d’un droit de préemption lors de la vente des locaux loués.

Selon le raisonnement de la Cour d'appel, seraient exclus simplement les locaux à usage de bureaux lourés à des professions libérales (avocat, notaires...) et qui sont soumis en principe au statut des baux professionnels.

Un autre arrêt antérieur (CA Aix-en-Provence 20 novembre 2018 n°17/04435) avait déjà fait application du droit de préférence pour des locaux loués à usage de bureaux au profit d'une société d'expertise comptable qui est pourtant une profession libérale, mais dont la loi offre la faculté pour les experts comptables d'accomplir des actes de commerce.

Les locaux à usage de bureaux seraient donc soumis au droit de préemption s'ils permettent une activité commerciale.


En conclusion, la pratique notariale va peut-être changer dans un soucis de sécurité juridique, car c'est la validité même de la vente qui est en jeu. En effet, la Cour de cassation a estimé que le droit de préemption du locataire en cas de vente du local commercial qu’il occupe est un droit d’ordre public auquel on ne peut déroger (C.Cass 3ème civ 28 juin dernier (n° 17-14605)). L'action en nullité peut d'ailleurs être exercée par le locataire pendant 5 ans à compter de la vente de l'immeuble, pour laquelle on ne lui airait pas purgé son droit de préférence.

En espérant que la Cour de cassation tranche rapidement cette question. Elle pourrait adopter une position différente car en principe on doit interpréter strictement toute atteinte au droit de propriété.


Auteur : Rémy NERRIERE - juriste-formateur en immobilier, Co-dirigeant du centre de formation immobilier : immo-formation.fr. Ce sujet est développé dans une Formation bail commercial d'une journée.

Pour toute information sur cette formation : contact@immo-formation.fr. Mai 2022

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