Décret Tertiaire : tout savoir et tout comprendre

Décret Tertiaire : tout savoir et tout comprendre

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L'objectif du "décret tertiaire" est de maîtriser la demande d’énergie et favoriser l’efficacité et la sobriété énergétiques des bâtiments tertiaires en France. Initié par le Grenelle de l'environnement en 2010, un premier décret paru en 2017 avait été annulé par le Conseil d'Etat comme étant paru tardivement. La France a ainsi pris un peu de retard par rapport notamment à ses engagements pris lors de la Conférence de Paris de décembre 2015.

La loi ELAN en 2018 a relancé le dispositif. Le "décret tertiaire" paru le 23 juillet 2019 impose une réduction progressive de la consommation d’énergie dans les bâtiments à usage tertiaire afin de lutter contre le changement climatique.

Le dispositif est nommé par les pouvoirs publics "Éco énergie tertiaire".

Dans les années qui viennent, l'ensemble des obligations imposées par le "décret tertiaire" aura sans aucun doute un impact important sur les stratégies d'investissement, les arbitrages des propriétaires et le choix des locaux par les preneurs, sans parler de l'impact sur les prix des loyers et la valorisation des biens.

Quelles sont les obligations ?

Les acteurs doivent réduire la consommation d’énergie dans les bâtiments existants à usage tertiaire avec un objectif d’au moins 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050, par rapport à une année de référence qui ne peut être antérieure à 2010 (objectif en valeur absolue). L’année de référence doit constituer une année pleine d’exploitation, c’est-à-dire que les données de consommation doivent être disponibles sur 12 mois.

Une obligation alternative est possible : atteindre un seuil exprimé en kWh/m²/an fixé en valeur relative pour chaque catégorie d’activité et  incluant tous les usages énergétiques sur une année et en tenant compte d’indicateurs d’intensité d’usage propres à chaque typologie d’activité. Les valeurs à respecter sont fixées par arrêté avant le début de chaque décennie et les objectifs doivent être atteints à chaque échéance (2030, 2040, 2050). L'ensemble des arrêtés d'application concernant les valeurs relatives ne sont pas encore parus à ce jour.

Le décret prévoit la possibilité de mutualiser les résultats à l’échelle de tout ou une partie du patrimoine d'un propriétaire lors de la vérification des objectifs.

Qui est concerné ?

Sont concernés les propriétaires et occupants de bâtiments à usage tertiaire privés et publics de plus de 1 000 m 2 de surface au plancher ou cumulée. Il s'agit des bureaux, hôtels, commerces, bâtiments dédiés à l’enseignement, bâtiments administratifs, résidences de tourisme & Loisirs, logistique, locaux d'activité... Sont également concernés tout ensemble de bâtiments situés sur une même unité foncière ou sur un même site dès lors que ces bâtiments, hébergent des activités tertiaires sur une surface cumulée égale ou supérieure à 1 000 m².

3 catégories de bâtiments sont exclues du champ d’application :

• les bâtiments ayant donné lieu à un permis de construire à titre précaire,

• les bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments destinés au culte,

• les bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments dans lesquels est exercée une activité opérationnelle à des fins de défense, de sécurité civile ou de sûreté intérieure du territoire.

Les Bailleurs et preneurs sont soumis à cette obligation. Le périmètre de responsabilité de chacun est renvoyé à la rédaction du bail. Il convient donc d'être très vigilant sur les clauses du bail qui seront proposées par les bailleurs. En l'absence de clause spécifiques, il faudra interpréter les clauses existantes en matière de travaux, charges, comportement des occupants...tout en retenant que la jurisprudence met à la charge du bailleur sauf clause contraire les travaux et mise aux normes imposées par l'administration. En tout état de cause, ce sont les occupants qui devront déclarer leur consommation énergétique chaque année, sauf délégation donné au propriétaire.

Comment mettre en œuvre ces obligations ?

Le décret prévoit 4 types d'action qui ne nécessitent pas toutes de gros investissements financiers, mais toutes contribuent à réduire la consommation énergétique :

1. améliorer la performance énergétique du bâtiment via des travaux sur l’enveloppe du bâti (isolation, menuiserie, protection solaire...) ;

2. installer des équipements performants (chauffage, eau chaude, éclairage, refroidissement, procédés...) et des dispositifs de contrôle et de gestion active de ces équipements ;

3. optimiser l’exploitation des équipements (contrat d’exploitation avec objectif de résultat, suivi attentif de la gestion active des équipements...) ;

4. adapter les locaux à un usage économe en énergie (adaptation de l’éclairage au poste de travail, extinction automatique de l’éclairage et des postes après fermeture...) et inciter les occupants à adopter un comportement écoresponsable (réduction du stockage des données informatiques, extinction des équipements...).

L'annexe environnementale du bail commercial deviendra désormais un outil efficace pour définir ensemble les actions à entreprendre par chacun des acteurs (bailleur et occupants) et fixer qui supportera l'éventuel coût du remplacement d'un équipement ou des travaux de rénovation.

Quelles sont les modulations prévues par le décret tertiaire ?

Le décret tertiaire prévoit différentes modulations des objectifs de réduction de consommation d’énergie finale en cas de :

• risque pathologique pour le bâtiment affectant sa structure ou son clos couvert,

• modifications importantes des parties extérieures pour certains bâtiments classés,

• non-conformité aux servitudes relatives au droit des sols, au droit de propriété, à la sécurité des biens et des personnes ou à l’aspect des façades,

• changement de volume d’activité,

• coût manifestement disproportionné par rapport aux bénéfices attendus.

La méthodologie de calcul de ces différentes modulations a été précisé dans un arrêté d'application du 10 avril 2020. Cet arrêté défini également le contenu du dossier technique que les acteurs ont l'obligation d'établir s'ils souhaitent pouvoir moduler leurs objectifs.

Le législateur accepte ainsi que certaines situations puissent empêcher l’atteinte des objectifs, mais ces situations doivent être prouvées à l’aide d’un dossier technique.

Quelles sont les sanctions ?

En cas de non-transmission des données par les propriétaires ou les occupants, le préfet se chargera de mettre en demeure les obligés et leur accordera un délai de 3 mois pour soumettre leurs données sur la plateforme de l’ADEME. Passé ce délai, si les données ne sont toujours pas transmises, la mise en demeure sera publiée sur un site web de l’État afin de rendre public ce manquement.

En cas de non-respect des objectifs (en 2030, 2040 et 2050) – hors justification de modulations par dossier technique –, le préfet se chargera également de mettre en demeure les obligés et leur accordera un délai de 6 mois pour établir un programme d’actions correctives ainsi qu’un planning prévisionnel. Si ce délai n’est pas respecté, le préfet se chargera de mettre individuellement en demeure le bailleur et/ou le locataire et leur laissera un nouveau délai de 6 mois pour se mettre en conformité. Enfin, si ce délai supplémentaire n’est toujours pas respecté, les sanctions pourront s’élever jusqu’à 1 500 € pour les personnes physiques, et 7 500 € pour les personnes morales ; et leur nom figurera sur un site internet (système du "name & shame").

Ces sanctions financières sont donc purement symbolique car l'Etat a choisi plutôt des mécanismes de sanction du marché : dégradation de l’image de l’entreprise, baisse de sa valeur verte, perte d’opportunités de business, etc.

Quelles sont les étapes de suivi de l’obligation ?

La plateforme OPERAT, créée par l’ADEME, permet aux obligés de renseigner toutes les données relatives aux bâtiments et à leurs consommations, leur année de référence afin de calculer l’atteinte de leurs objectifs ainsi que les éventuels dossiers techniques justifiant de leur non-atteinte.

La plate forme est aujourd'hui opérationnelle  : https://operat.ademe.fr/

Chacun est invité à renseigner pour chacun des bâtiments concernés données à transmettre sur la plateforme :

• l’activité tertiaire exercée,

• la surface de chaque bâtiment ou partie de bâtiment,

• les consommations annuelles d’énergie,

• l’année de référence et les consommations associées,

• les indicateurs d’intensité d’usage applicables aux activités hébergées,

• les modulations du volume d’activité,

• les consommations liées à la recharge des véhicules électriques.

Une fois toutes ces informations recueillies, la plateforme de l’ADEME devrait calculer automatiquement :

• les modulations sur le volume d’activité,

• les consommations annuelles d’énergie corrigées des variations climatiques,

• le volume de gaz à effet de serre émis du fait des consommations énergétiques.

Enfin, la plateforme OPERAT permettra un suivi de l’obligation à l’échelle nationale en proposant un baromètre d’avancement régulier, sous couvert d’anonymat.

La plateforme éditera pour chacun des acteurs chaque année à partir de début 2023 une attestation numérique des consommations ajustées en fonction des variations climatiques mentionnant la situation de chacun par rapport aux objectifs. Cette attestation est complétée par la notation Éco énergie tertiaire qui qualifie l'avancée dans la démarche de réduction de la consommation énergétique. Cette attestation devra être jointe aux baux commerciaux et aux actes de vente des immeubles concernés.

Quel calendrier ?

L'ensembles des données décrites ci-dessus doivent être renseignés par chacun des acteurs au plus tard avant le 30 septembre 2022. Le dossier technique pouvant justifier d'une modulation des objectifs pour disproportion économique devra être mis en ligne avant le 30 septembre 2026.

La plateforme OPERAT met en ligne un récapitulatif des aides financières mobilisables (crédit d'impôt pour les PME, certificats d’économies d’énergie (CEE) de la part des fournisseurs, prêt éco-énergie (PEE) auprès de Bpifrance...

Auteur : Rémy NERRIERE - juriste-formateur en immobilier, Membre du réseau de formateurs immo-formation.fr

Cette thématique est abordée dans la formation bail commercial. Pour toute information sur cette formation : contact@immo-formation.fr. Décembre 2021

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